lundi 28 juillet 2014

L'esthétique du vieillissement : 1. l'osier

   Une petite série sur l’évolution des matériaux dans le temps, aujourd'hui : l'osier.


   Rappel : la plupart des matériaux se dégradent dans le temps. Quelques exceptions, comme l'inox, le verre, présentent une excellente stabilité à l'échelle humaine. Ils ne s'altèrent ni en présence d'eau, d'acide ou de base, ni sous l'effet de la lumière ou de la chaleur ("normale", et non de fusion).
   Les autres types de matériaux évoluent plus ou moins rapidement sous l'effet principalement du rayonnement du soleil, de l’oxydation (comme la peau humaine !) et des intempéries (sans parler des conditions extrêmes comme l'utilisation en milieu marin, acide, sous haute pression...). 
   Chaque objet a une durée de vie depuis sa fabrication à sa dégradation. Cette durée dépend de l'utilisation, de sa composition et de son entretien.
De l'aspect "neuf", la matière passe par différents stades suivant sa composition et finit par avoir de la "patine". Attention la patine n'est pas une dégradation du matériau, il s'agit seulement de l'aspect extérieur, de la couche superficielle. Un peu comme le bronzage de la peau : exposition au soleil, brunissement, hiver, desquamation, et retour de la peau blanche.  La structure n'est pas touchée. A ce stade, les propriétés intrinsèques (résistance, perméabilité, souplesse) sont inchangées.
  La patine est simplement visuelle et esthétique. Et suivant la matière, le client, les effets de mode, elle est recherchée, provoquée ou au contraire limitée et évitée à tout prix.

 Petit tour d'horizon, et pour commencer, une matière que l'on connait bien ici :

L'osier


Au premier plan : l'osier neuf, à gauche : le patiné.
  L'osier blanc est donc écorcé. A la fin de cette opération, il est d'un blanc lumineux. On le stocke à l'abri de la lumière pour éviter son jaunissement, et à l'abri de l'humidité contre le pourrissement. 

Finition 

  Les articles de vannerie ne nécessite pas de couche de finition. La dernière étape consiste à soufrer, c'est à dire que l'on expose les ouvrages aux vapeurs soufrés dans un endroit clos. Le soufre protège des attaques d'insectes, champignons, et blanchit parfaitement.
La vannerie ainsi traitée à un bel aspect blanc franc, plutôt froid, net, assez éloigné de la matière que l'on associe au bois.
On trouve parfois des articles en osier verni, jaunasse ; à éviter, l’humidité est emprisonnée à l'intérieur des fibres. 

Patine

   L'osier prend une teinte doré sous l'effet des UV. On peut accélérer le processus en exposant volontairement et de façon homogène le tressage au soleil (derrière une fenêtre, dans une voiture...). La patine dépend aussi de la variété d'osier. Sur la photo, on voit que les brins utilisés sous la bordure (Salix triandra ) sont plus pigmentés que l'ensemble (S. fragilis ?). Le triandra présente naturellement une texture très marquée : petites tâches de couleur brun chaud, variations du grain... Le brin, même extra "jeune" tire déjà sur un beige beaucoup plus chaud que le blanc net des autres variétés.

   On prendra soin d'avoir toujours quelques modèles déjà patinés, et qui n'auront pas cet aspect "neuf", "clinquant", pour satisfaire le goûts de tous les clients.
 De même,il est intéressant d'avoir en stock quelques bottes d'osier pré-patinés pour les menues réparations sur des paniers plus anciens.

Dégradation

   L'osier se décompose comme les autres matières organiques  : sous l'action de l'eau, insectes, micro-organismes. Vous jetez un panier ? hop, réduit en morceaux au compost, ou bien comme petit bois d'allumage.
Pour prolonger sa durée de vie, l'osier doit être soigneusement séché après chaque contact avec l'eau. (On peut laver sans problème les volettes à tarte au lave-vaisselle !) Traditionnellement les articles destinés à une utilisation en milieu humide (bonbonne, manne à patate...) ont un fond barré par deux lattes de châtaignier (aération...).
  Pour résister en extérieur, l'osier est traité en autoclave (imprégnation sous pression des fibres). En général, les fournisseurs garantissent une durée de vie de  5 à 10 ans. (Quant à la nature des traitements ?).
Une application régulière d'huile de lin est aussi recommandée pour une utilisation en extérieur, mais surtout pas de vernis !
A noter, l'osier non écorcé, "brut", est beaucoup moins stable que l'osier "blanc". L'écorce offre un abri aux insectes, et maintient l'humidité.


Un coup de neuf 

   Si vous souhaitez "rajeunir" une pièce en vannerie :
1. nettoyage à la lessive St Marc, séchage soigneux.
2. si vous y tenez, lavage à la javel, ou moins violent, eau vinaigré.
3. l'idéal est de confier la pièce à votre vannier préféré, qui lui donnera un petit coup de soufre.
Attention, l'osier ne retrouvera pas une blancheur immaculée, mais s'éclaircira bien d'un ou deux tons. (Plus les bienfaits antifongiques...). 



L'écorce d'osier

   A l'atelier, la matière que je préfère travailler est l'écorce. (osier ou jeunes arbres).
On connait le tressage en écorce de bouleau, les tuiles japonaises en écorce de cyprès, mais assez peu d'utilisation de l'écorce d'osier.
Quand j'ai commencé à utiliser cette matière, la question de sa durabilité s'est de suite posée.
On trouve peu de documentation sur ce matériau. (A part peut-être sur une possible utilisation comme isolant avec une excellente résistance au feu ! et oui, le morceau de bûche refendue brûle mieux du côté où il n'y a pas l'écorce.)

  Bref, les premières conclusions ( expérience sur trois/quatre ans)
- La plupart des écorces brunissent dans le temps mais certaines variétés restent lumineuses et colorés. J'ai essayé une trempe à l'alcali pour éclaircir les tannins. Bof. Pas de résultat.
- La patine est ici décrite "comme du cuir" par beaucoup de clients.
- C'est surtout le côté interne de l'écorce qui fonce parfois jusqu'à une teinte acajou, pas vilaine du tout.
- Lors d'une installation, une de mes sculptures est tombée une nuit dans un bassin naturel. Au petit matin, la pièce présentait une coloration foncée, noire. (Oxydation dû à la boue ?)
- résistance aux intempéries : là, je suis en plein protocole d'essai.
Deux séries de pièces sont mises à l'extérieur, l'une avec une traitement classique, l'autre sans rien, pour voir combien de temps le tressage résiste ; 
pour le moment (printemps/été uniquement) pas de désordre apparent, à part une légère trace de moisissure là où le tressage est particulièrement serré.

   Expérience à suivre...

   Et la semaine prochaine : la patine du bois ...


bm





lundi 21 juillet 2014

Fabriquer ses outils

Fer à clore et batte de vannier, taillé dans un hachoir de boucher

Tournevis puis poinçon effilé

 
Branche de buis, formoir pour le cuir, crochet


Il est parfois très pratique de fabriquer ses outils :
suivant les corporations, certaines devenues très rare, il n'existe plus de fabricant d'outil.
Par exemple, les vanniers se servent aujourd'hui d'épissoir de marin comme poinçon.
(Et sans parler des métiers complétement disparus, où là, le travail est de l'ordre de l'archéologie).

Faire ses propres outils peut donc être une nécessité, ou permet d'avoir un outil sur mesure.
En premier vient la question de la matière première :
- un ancien outil à détourner (les lames sont toujours intéressantes et peuvent facilement s'adapter à un nouveau matériau à trancher).
- la pierre, le bois (buis : bois dur, noisetier : bois souple).
...

La technique peut être très simple : la couturière trace un gabarit d'ourlet sur un morceau de carton...
Le degré de complexité dépend de la fonction de l'ouvrage à réaliser, de votre maîtrise, et de votre outillage.


Les gabarits de tous genres sont aussi intéressant s'il s'agit de réaliser une pièce en nombreux exemplaires : anciens moules en bois tourné de vannier pour les paniers de "formes" ; 
ou de garder une forme spécifique : tas de dinanderie, forme à chapeau... 
Il peut s'agir de scier une simple pige à la dimension voulue et de s'éviter l'usage du mètre à chaque instant, ou un assemblage en 3 dimensions, ou bien cintré,  et voire modulable).

Et pourquoi pas faire appel à d'autres artisans si l'ouvrage l'exige : un forgeron, un tourneur sur bois...

Bref  fabriquer ses propres outils, c'est pratique, inventif et agréable.


Bonne semaine,
BM

lundi 14 juillet 2014

Artisanat : Que ramener de ses vacances ?


Théière/tasse de Corée, petites cuillères d'Inde, Couscoussier en alfa du Maroc 

Bonjour à tous,


Aujourd'hui : comment choisir ses emplettes à l'étranger...

1. Fuir absolument : les boutiques à touristes, la camelote de mauvaise qualité, souvent fabriquée en Chine, les objets dits "de décoration et ethniques". La plupart du temps, on s'en lasse vite, (surtout quand on trouve la même statuette africaine chez tous ses amis qui, eux, l'ont acheté chez décovitepascher ).

2. Attention aux produits de luxe bon marché : épices, encens, huile d'argan, bois précieux, antiquité... C'est soit une arnaque, soit une exploitation des ressources ou des populations.

3. Et que reste-t-il ? le plus beau, le meilleur : les circuits fait pour et par les habitants...
Chercher les boutiques, marchés, ateliers, producteurs...
Là, on peut trouver de l'artisanat du quotidien ou plus exceptionnel, des objets vraiment originaux avec une réelle valeur intrinsèque.
Comment chercher? poser des questions, suivre les mamans avec leurs paniers, aller dans les quartiers d'artisans (on les repère souvent à des sensations oubliées chez nous : bruits de marteaux, fumée des forges, odeur de tannerie, va et vient de transport de matières premières...). 

4. Planifier avant de partir. L'Inde est réputée pour ses textiles, le papier, la popote en inox, l'asie pour la vannerie, le cuir au Maroc, la couleur et la poterie au Mexique, la guitare en Espagne...  Attention quand même aux idées reçues.

5. Toujours penser à l’utilisation que l'on va faire de l'objet acheté :
- s'en servir : l'objet doit alors être de qualité, fonctionnel, à votre taille si c'est un vêtement (être vigilant aussi sur les "normes" inexistantes surtout pour un usage alimentaire : privilégier l'inox, le verre, et vigilance sur certains émaux, ou revêtement... pareil pour l'hygiène, un bon lavage des textiles (colorants toxiques, ou simplement mites...) ;
- l'offrir ;
- le transformer : un coupon d'étoffe artisanale pour les rideaux du salon...;
- le détourner : le couscoussier sur la photo est devenu coupe à fruit. (hélas, je ne sais toujours pas faire du couscous...)
- le garder comme objet d'art : le plus simple objet courant, surtout s'il est liée à un usage inconnu pour nous, peut devenir agréablement exotique.

La beauté des "formes utiles".







Bm, bonnes vacances et beau voyage.




lundi 7 juillet 2014

L'objet désirable : les chaussures

modèle : La Botte Gardiane
Bonjour à tous, cette semaine : les chaussures !

La Botte Gardiane  
site internet :  http://www.labottegardiane.com/fr/ 

Entreprise labellisé Patrimoine Vivant
Le label caractérise les entreprises françaises qui possède un savoir-faire  et une expérience spécifique.  En savoir plus : http://www.patrimoine-vivant.com/

La Botte Gardiane réalise à l’origine  des bottes de travail pour les gardians. Elle propose aujourd'hui une collection de bottes gardianes mais aussi bottes, bottines, chaussures basses, vaste choix de sandales, modèles hommes et femmes. Il est possible de commander en demi-pointure ou un  coloris particulier de cuir.
Sur le site : de belles photos d'atelier, les machines, la collection de formes, l'assemblage...



Tordons de suite le cou aux idées reçues : je n'ai pas les moyens de m'offrir ces chaussures !
Ah oui ? le modèle est mis en vente au prix de 120 euros (cent vingt euros !) sur le site.

La dernière fois que j'ai acheté des sandales (dois-je le dire ?) doit remonter à 5 ans. Donc 120 : 5 = 24 euros !
Qui a un tel  budget annuel de chaussures d'été ?
Bon, cela ne fonctionne pas si vous adorez collectionner les chaussures, ni si la semelle se décolle au bout de 3 jours.
Personnellement, j'ai plaisir à choisir (après de longues réflexions délicieuses) un beau modèle que je vais garder longtemps, avec un cuir de qualité (voir le débat actuel autour du chrome allergisant), le voir se patiner, se former à mon pied, le brosser et le polir au cirage...
Et à chaque moment de se chausser, un sentiment de luxe secret...





Choisir une belle maison de fabrication est aussi un choix social.
L'ensemble de la chaîne (élevage des animaux pour le cuir, tannage, réalisation de la chaussure) doit être exigeant, pour garantir une certaine qualité aux clients. De fait respect de l'animal, respect de la matière, des savoirs-faire, des travailleurs, et au final du client !



A la semaine prochaine,
BM